
« L’imaginaire collectif des chercheurs a tendance à édifier l’esclavage comme un phénomène principalement masculin et a tendance par conséquent à considérer insignifiante la présence des femmes esclaves ».
S’il y avait beaucoup de femmes dans l’esclavage local, si au temps de la traite transatlantique plus d’hommes que de femmes étaient emportés par les navires négriers, c’est parce qu’elles remplissaient des fonctions très importantes sur place. Celles pour lesquelles les enfants aussi étaient recherchés doivent retenir l’attention de l’historien.
Il y avait une garantie pour affermir la mainmise du maître sur les femmes et les enfants réduits en captivité. La fidélité n’était-elle pas la première qualité attendue de tout esclave ?
La fidélité est ce qui donne à une relation sa force, sa stabilité qui permettait, dans le cadre de l’esclavage, au maître d’avoir en son esclave une force de travail permanemment disponible. L’une des pires réactions qu’un maître d’esclaves redoutait était la fuite, l’une des ultimes expressions du refus de l’assujettissement.
Les femmes et les enfants réduits en servitude se montraient dociles. Cette docilité se devait à leur méconnaissance des régions. A l’époque précoloniale, hormis les colporteurs qui connaissaient plusieurs localités où les conduisait leur activité de marchands, le rayon de l’espace géographique connu de beaucoup de gens n’était pas très important. Il était encore particulièrement réduit pour les femmes. L’insécurité limitait les déplacements. L’économie d’auto-subsistance satisfaite en gros par les ressources locales, les populations n’étaient pas contraintes par un besoin impérieux d’aller en chercher ailleurs. Leurs connaissances géographiques étant réduites, les femmes et les enfants réduits en servitude ne pouvaient pas être tentés par la fuite. Egarés, ils se retrouveraient entre les mains d’une autre personne qui en ferait ses biens. La fuite conduirait alors à un autre maître et non au recouvrement de la liberté.
Fallait-il tenter alors l’évasion ? La tentative étant inutile, les femmes particulièrement se résignaient à rester là où elles avaient été conduites. Elles étaient ainsi ces esclaves attachées à la maison de leur maître.
L’acquisition des femmes et des enfants comme esclaves donnait à ce système de dépendance sa stabilité. Avec les hommes, le système n’était pas autant sécurisé. C’est l’une des raisons pour laquelle les hommes étaient le plus voués à la traite qui, par de multiples ventes, les amenait à des destinations si inconnues que la fuite pour rejoindre leurs pays d’origine devenait impossible.
Avec ceux qui étaient acquis dès l’enfance, on avait aussi des esclaves dociles. Ils grandissaient dans le système avec l’esprit de la soumission ; ce qui produisait une attache ferme au maître qu’ils prenaient pour leur père. L’effet que le temps donnait était la docilité de ces esclaves.
Au temps de la traite transatlantique, le courant a emporté pour les Amériques plus d’hommes que de femmes. Selon les investigations de Claire Cone Robeston, un tiers seulement des Africains amenés de l’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique Centrale était des femmes. On en déduit alors que la plupart des esclaves gardés en Afrique étaient des femmes.

Les femmes et les enfants esclaves ont joué des rôles importants en Afrique. Lors des razzias ces catégories sociales ont été le plus souvent les cibles compte tenu de leur faible capacité de résistance et de la diversité des opportunités de leur capture. Catégories socialement faibles selon l’idéologie dominante produite par le sexe masculin qui en faisait des biens participant de sa richesse, les filles et les garçons représentaient une partie importante de ceux qui étaient vendus et réduits en esclavage en cas de famine.
Leur acquisition était avantageuse pour plusieurs raisons. Du fait de leur docilité due à l’âge des uns, de l’esprit de soumission acquis par l’éducation et de l’ignorance géographique de tous, ce système de dépendance qu’était l’esclavage connaissait la stabilité. L’âge des enfants facilitait leur intégration. Celle des femmes était aisément réalisée grâce à la maternité, de fortes attaches avec le maître.
Dans son ouvrage « Histoire de l’Afrique noire d’hier à demain », KiZerbo a dit : « En Afrique plus qu’ailleurs, nous marchons sur notre passé enfoui. La majeure partie de l’histoire africaine est enterrée »48. La situation a beaucoup évolué grâce au travail des historiens africains et africanistes. Cependant il y a des portions qui sont à peine portées en surface. L’esclavage local en Afrique en fait partie.
Extrait de FEMMES ET ENFANTS DANS L’ESCLAVAGE EN AFRIQUE
PRECOLONIALE : LEUR ROLE POUR LA STABILITE DU SYSTEME – Maurice Bazemo