
L'idéal, pour amener un enfant à s'intéresser aux livres, c'est de trouver des astuces pour ne pas que ce soit contraignant pour l'enfant.
C'est vraiment l'idéal. Certains avec la contrainte arrivent à un résultat. Mais dans l'idéal, il vaut mieux trouver des astuces plus subtiles. Un ami me confiait qu'il récompense ses enfants chaque fois qu'ils achèvent un livre. Ces récompenses peuvent prendre diverses formes : une augmentation de l'argent de poche, une prime (une petite Somme d'argent) à la lecture, une sortie au glacier. Un autre aîné, sachant que ses fils sont friands de jeu vidéo, a acheté une tablette tactile qui leur est spécialement réservée. Il passe avec eux ce marché : "celui qui arrive à réciter toutes ses leçons a droit à la tablette". Et il me confiait que cette motivation a fait que ses enfants sont souvent parmi les meilleurs de leur classe. Son expérience (avec la tablette) n'est pas directement en rapport avec la lecture, mais c'est tout comme. Je la partage pour insister sur le fait que chacun y va de sa motivation. Tant qu'elle est saine bien entendu. Ça va de soi je pense.
Le plus efficace, à mon sens, c'est de commencer l'initiation de l'enfant dès son plus bas âge. Plus il grandit, moins il sera enclin à s'intéresser aux livres, surtout avec la prolifération des écrans. Quand on arrive à les captiver dès le départ, le résultat est magique. Une de mes responsables, dans une structure où j'interviens, me confiait qu'elle s'y était pris tôt avec sa fille (qui a moins de 4 ans). Elle est tellement mordue de livre aujourd'hui qu'elle ne dort pas sans qu'on lui raconte une histoire dans un livre plein d'images. Elle en réclame même plusieurs parfois. Ça n'a peut-être l'air de rien, mais le résultat sur le long terme est fabuleux. Les enfants deviennent particulièrement alertes au fur et à mesure qu'ils grandissent et ils sont les meilleurs de leurs classes, de leurs établissements. Ils s'expriment dans un bon niveau de langue. Un très bon niveau.

J'ai été subjugué par le niveau de langue de la fille d'une "tantie". Sa fille était en classe de 4e à ce moment-là. Mais déjà quel sens de la conversation ! Quelle culture générale pour son âge ! Je n'ai pas été trop surpris quand sa mère m'a confié à quelle vitesse elle avalait les livres que ses parents lui achetaient, des livres qui étaient sur le point d'inonder la maison. Pour y faire face, ses parents avaient opté pour une inscription dans une importante bibliothèque de la place afin de réduire le nombre de livres à lui acheter...
Sachons que les enfants sont les plus grands imitateurs de l'humanité. De grâce, quand nous avons des enfants en bas âge, ne passons pas tout notre temps sur notre smartphone. Sinon après il ne faut pas en vouloir à l'enfant s'il préfère les écrans. Donc, en sa présence il faut éviter, dans la mesure du possible, de trop manipuler son téléphone. Il faut de temps en temps avoir un livre. La télé d'accord, mais quelquefois un livre et la télé éteinte ne ferait pas non plus de mal. Bien au contraire.
L'enfant aura tendance à vous imiter plus facilement. Dans le bon sens.
Aussi, je parlais de l'initiation qui est plus aisée avec les enfants en bas âge.
Il s'agit par exemple dans la mesure du possible de leur lire des histoires dans un livre en couleurs avec plein d'images. Leur lire ces histoires pendant qu'ils sont tout petits (ils ne savent pas encore lire). A force de répéter cela, vous pourriez les amener à poursuivre, à recréer le décor que vous créiez lorsqu'ils seront en âge de lire.
J'avoue que ça ne marche pas forcément pour tous les enfants. Mais c'est efficace chez nombreux d'entre eux.
Si le témoin est transmis avec tact, vous aurez un enfant qui veut toujours que vous lui achetiez des livres. Et le reste coule de source.

Je suis de ceux qui ne cessent de saluer l'expérience du lycée sainte Marie, l’un des lycées publics d’excellence de Côte d’Ivoire.
Là-bas, il y a un programme de lecture obligatoire pour toutes les filles. Avec obligation de faire des comptes rendus. Même si c'est contraignant, les élèves s'y habituent en fin de compte. Alors il ne faut pas être surpris de leur excellent niveau.
Je suis aussi de ceux qui plaignent ces enseignants de lettres (de français) dans les lycées et collèges qui n'ont aucune passion pour le livre et la littérature. C'est à la limite scandaleux. Ce sont normalement eux qui doivent donner envie à leurs élèves de leur ressembler. Mais où va-t-on quand ceux-là même ont horreur de livre ?
Je profite pour saluer tous les enseignants dévoués qui ne cessent de susciter des vocations. Ce sont eux qui doivent être en première ligne pour transmettre le goût du livre aux élèves.
Il est par exemple possible de faire des bonus aux élèves (lycées et collèges) qui de leur propre initiative se procurent un livre pas au programme et le lisent effectivement (bien sûr, l'enseignant peut s'assurer qu'il l'a effectivement lu). Ce sont des gestes très simples qui peuvent aider à un meilleur rapport de nos élèves au livre.
C'est une action parmi tant d'autres.
KISSY Marshall, enseignant, écrivain.